Les vaisseaux énergétiques du changement


Pour les taoïstes, ce vaisseau Luo, bien que « grand » ne remplace en aucun cas le rôle géniteur du Vaisseau Extraordinaire Chong Mai pour lequel ils vouent, tel le grand Li Shizhen, une grande admiration. Ce Xu li serait une sorte de support du Chong Mai en ouvrant un accès de l’interne vers l’externe.
Rappelons ici que les Luo s’expriment vers la peau (rougeurs, oedèmes, etc…) et ne se manifestent, selon les thérapeutes taoïstes, qu’en cas de pathologie active, tout comme les Vaisseaux Divergents.
Les adeptes taoïstes percevaient le monde des images mystiques ou astrales comme un microcosme évoluant au sein de leur propre corps, analogue au temps et à l’espace du monde cosmique. Ce concept apparait dans l’ancienne école chinoise de la cosmologie yin- yang et des cinq phases, comme mentionné dans le Liji (Livre des Rites ) et le Yijing (Livre des Changements ). Parce que le même nom désignant un point dans le corps humain se réfère souvent à un lieu céleste, la visite extatique de l’adepte de ces royaumes à l’intérieur de son propre corps symbolise son voyage dans les sphères célestes. Cette méditation visuelle et cette imagination active ont donc servi à transformer le corps de l’adepte en un corps cosmique, un théâtre de déités en « action « » (Robinet 1993 : 52).
Comme Li Shizhen l’a démontré dans son traité des Huit Vaisseaux Extraordinaires, la thérapie des anciens taoïstes est indiscutablement liée à l’alchimie interne et externe (Weidan et Neidan). Dans ce traité célèbre sur les Huit Vaisseaux Extraordinaires (Qi Jing Ba Mao Kao – Dynastie Ming), Li Shizhen a consacré le plus de pages sur le Vaisseau Chong Mai et sa relation avec l’alchimie interne que sur les autres Vaisseaux et méridiens.
Il semble que l’opinion des anciens considérants Xu Li comme associé à la seconde branche du Chong Mai soit nourrie de conscience et de perception méditative. Leur opinion est que le Xu Li en phase pathogène est une expression morbide du fonctionnement du Yi de la Rate bousculé entre la congestion et la déficience.
Un Yi stagnant signifie que les gens ont des difficultés à traiter les informations. Il en résulte une mauvaise mémoire et une pensée lente, produisant d’abord une déficience du Ying, puis du Coeur et du Shen.
Un Yi inconstant et faible conduit à la distraction et à la difficulté à se concentrer, ce qui entraîne un manque d’empathie. Nous sommes ici au coeur de la pathologie de Xu li.
Un Yi excessif est associé à une obsession pour le passé. Il entraîne physiquement une diminution du flux sanguin et une coagulation.
Comme l’indique le chapitre sur le « Traitement des manifestations du Qi chez une personne équilibrée » dans le Su wen :
« Le Qi sain, chez la personne équilibrée est reçu de l’estomac, ainsi l’estomac est le Qi sain de la personne équilibrée.. »
La deuxième trajet de Chong Mai s’enroule ainsi autour de la gorge, vers le visage où il entre dans le nez et la bouche.
Li Shizhen, suivant le chapitre 62 de Ling Shu, décrit la trajectoire externe du Chong Mai comme émergeant au point 30 du méridien Yangming.
La description de Li montre la relation réciproque entre le Chong Mai et les méridiens. Cela implique que bien que la racine du problème puisse résider dans le vaisseau Chong, la pathologie peut s’exprimer d’une myriade de façons.
Pour Li Shizhen Les Vaisseaux Extraordinaires ne sont pas contrôlés par les Méridiens principaux et n’ont pas de relation intérieur/ extérieur ; d’où leur nom : Extraordinaires, magiques, fantastiques. La traduction en méridiens curieux est très évasive pour deux raisons :
- Ce ne sont pas des méridiens mais des Vaisseaux, comme le sang , dans lesquels le Yuan Qi circule lentement et à double-sens.
- Le terme de « curieux » ne reflète pas leur importance du point de vue étymologique.
Selon les taoïstes, la fonction des 8 Vaisseaux reflète notre histoire personnelle, développement de notre empreinte génétique, biographie de notre vie au cœur de l’espace-temps.
L’abdomen est la résidence de Chong, lourd. Ou se situent le Qi primordial et le Jing. Cette « lourdeur » correspond au poids du Yin des « eaux primordiales » de l’abdomen qui nous rattachent à notre hérédité.
La formation des quatre premiers Vaisseaux cardinaux se révèle la plus importante ; les thérapeutes taoïstes considèrent cette structure comme la base embryonnaire énergétique de l’être :
– le Vaisseau Chong Mai porte l’empreinte de la vie ;
– le Vaisseau Ren Mai incarne l’inertie naturelle de la matière ;
– le Vaisseau Du Mai représente l’activité et la capacité de s’élever en dehors du cercle mondain;
– le Vaisseau Dai Mai encercle le corps énergétique et le met en relation avec l’environnement.
Mais revenons sur la vision taoïste des Vaisseaux Luo
Les Vaisseaux Luo selon la tradition orale des taoïstes (Longmen)
Voici un modeste sommaire, non exhaustif, de la vision des Vaisseaux Luo des thérapeutes taoïstes de diverses obédiences :
- Les Vaisseau Luo ne se forment et n’apparaissent qu’en cas de blocage dus à la stagnation.
- Ils flottent à la surface du corps (Chapitre 10 du Ling Shu). Leur mouvement va de l’intérieur vers l’extérieur.
- Ils circulent juste sous la surface de la peau dans un réseau de conduits tubulaires.
- Ils sont parfois visibles (sic) car ils colorent la peau en sombre (froid) ou rouge (chaleur) et se manifestent dans les veines.
- Ils se produisent surtout en cas de stagnation du Qi et du Sang.
- Certaines écoles traditionnelles prétendent qu’ils ne peuvent être traités que par la saignée !
- Ils peuvent être cause de fièvre par obstruction.
- La consommation d’alcool les fait rougir et leur donne un teint coloré.
- Ils sont aussi une voie d’expression et de dégagement salutaire du Qi rebelle.
- Leur coopération avec les points sources en font un traitement de choix pour les troubles chroniques, cependant les taoïstes pensent que l’action des Vaisseaux Extraordinaires est plus efficace dans la durée et plus profonde.
- Gérard EDDE
- Extrait de l’article sur le Dragon Jaune MTC mag
- www.dragonceleste.fr
Références bibliographiques
Thunder Rites.” In Internal Alchemy: Self, Society, and the Quest for Immortality, edited by Livia Kohn and Robin R. Wang, 104‐120. Magdalena, NM: Three Pines Press.
Pregadio, Farbrizio. 2006. “Early Daoist Meditation and the Origins of Inner Achemy.” In Daoism in History: Essays in Honour of Liu Ts’un‐yan, edited by Benjamin Penny, 121‐58. New York: Routledge.
Yellow Emperor’s Classics: Inspirational Resources of Acupuncture – Dr Henry C. Lu, PhD