
Métaphore usuelle issue de l’alchimie interne (Neidan), le Tigre et le Dragon représentent respectivement le Po et le Hun à l’œuvre au sein du mouvement énergétique évolutif.
Le Hun (Dragon) est, selon l’école taoïste de la Porte du Dragon (Longmen Pai), le fer de lance de la conscience (Shen). Il est responsable du mouvement, de la sensation et surtout de la perception des trois trésors : Jing (essence), Qi et Conscience. Il réside dans le Foie et s’exprime à travers trois entités (les trois Hun) qui participent à la dynamique de l’élément Bois. Il se manifeste dans les yeux et l’état d’éveil. Son action va dans le sens de l’évolution, de la créativité et du développement de la conscience subtile ascendante : l’envol du Dragon ! En fait le Hun accompagne l’être dans l’accomplissement sa destinée (Ming).
Le Po est au contraire un facteur Yin qui tend à devenir une substance tangible. Dans certains textes taoïstes, le Po qui réside dans les Poumons est nommé âme incarnée ou bien âme incorporée. La force astringente de l’élément Métal conduit le Po à se cristalliser en matière, à se manifester de manière concrète. Le Pro alourdi les rêves et favorise le sommeil profond voire hypnotique, attaché aux racines tribales ou familiales obligeant le Hun à vagabonder : c’est le duel sans fin entre le Tigre et le Dragon. !
Le Métal (Pro) tente d’empêcher le Bois de s’élever en lui présentant ses sept facettes fantomatiques (Gui) liées à l’ancestral, mais l’oblige aussi à se nourrir de la force archaïque du Jing caché derrière les Reins.
Dans la pratique du Qigong, sans la force du Pro, le Dragon tentera vainement de se propulser dans les cieux. Tout au contraire, privé du Dragon du Hun, le Pro n’est qu’un enracinement tribal qui se laisse glisser dans l’abrutissement de la torpeur.
L’équilibre est donc délicat entre le mouvement aérien et expansif et l’enracinement grossier et abrutissant. La perception interne du mouvement (Neiguan) constitue donc l’héritage le plus précieux du Qigong traditionnel ; équilibre indispensable à l’usage forcené et vain de l’intention (Yi) constaté dans certaines formes modernes de Qigong. Ce qui a pour effet de faire sourire les pratiquants taoïstes qui répugnent à utiliser la volonté et préfèrent l’utilisation des trois harmonies (respiration, mouvement et conscience) et la vision pénétrante – Yi Zi – du Dragon.
Le travail interne (Neigong) à la fois passif et perceptif constitue le cœur de la voie alchimique des exercices allongés et dynamiques du sage Zheng Boduan et le point de départ de ce que l’on nomme le Qigong du rêve et du sommeil conscient de Huashan.
Gérard Edde
(Extrait de la nouvelle version de la Porte du Dragon – à paraitre courant 2019)