Hommes-bêtes et Qigong

L’histoire des premières civilisations et du chamanisme concomitant regorge d’allusion à la puissance sacrée des animaux : indiens d’Amérique du Nord, Indonésiens, Chinois, Mongols et Celtes partageaient pour les animaux une admiration mêlée d’étonnement. Ces animaux se révélaient parfois des mythes : dragons, licornes et phénix se partageaient la vedette au milieu de bêtes plus réelles : tigres, aigles et serpents.

Le chamanisme d’Asie Centrale exerça une influence importante sur la naissance de la spiritualité chinoise et plus encore sur son système de médecine énergétique unique. La spiritualité taoïste a gardé ce fond instinctif du chamanisme qu’elle pense sublimer. Ainsi petit à petit l’homme dragon émerge du tigre tribal ou social dompté : « éveiller le dragon et dompter le tigre ». La racine animale de l’homme cède la place à l’immortel laissant au rebut ses tendances grégaires et machistes. Cependant la force de l’animal lui est indispensable pour réaliser sa quête et maintenir sa santé et sa vigilance, ainsi il mime la bête pour mieux la domestiquer et s’en différencier.

L’utilisation de l’imitation des animaux existe depuis l’aube du Qigong, visant à retrouver une énergie spontanée dont les êtres humains éduqués sont souvent privés, ceci dans le but de retrouver la santé et de libérer la circulation de l’énergie dans les canaux d’acupuncture. Cependant les taoïstes allèrent plus loin : ils tentèrent de capter l’esprit de l’animal (le Shen…) afin d’ôter la barrière du mental qui empêche de communiquer spontanément avec la nature et l’univers. Cette attitude ouvre la porte à une meilleure perception de ce que nous sommes et de comprendre, par l’intuition, comment remédier à nos faiblesses. Loin de vouloir « singer » ou imiter les animaux, nous jouons avec leur énergie de manière spontanée et naturelle (Ziran). Cette méthode particulière est partagée par nombres de civilisations anciennes : amérindiens, polynésiens, dravidiens de l’Inde du Sud etc…

Ce travail de Qigong puise ses racines dans la nuit des temps et la période pré-taoïste (chamanique) de la Chine antique, mais son enseignement perdure dans les diverses écoles taoïstes et particulièrement celle de la Porte du Dragon (Longmen Pai). Le travail énergétique s’oriente vers l’imitation de différents animaux mythiques ou réels, non avec des formes prédéfinies mais avec des canevas qui laisserons place à une certaine improvisation : Tigre, Tortue, Serpent Dragon et Ours seront nos champs d’expérience. Tout comme nous essayons de protéger les animaux et l’environnement naturel, il faut aussi prêter attention à la destruction de la vie humaine au cours des cent dernières années. Le nombre d’êtres humains tués par leurs frères humains doit certainement être de l’ordre de plusieurs millions.

Lorsque nous constatons l’état actuel de la vie humaine, de nombreux paradoxes sautent aux yeux. Voyez à quel point les chats domestiques et les chiens sont traités alors que, dans le même temps, nous oublions souvent combien d’humains souffrent de la guerre. L’activité sexuelle est devenue une forme de loisir codifié dans la société humaine et joue encore un rôle essentiel dans les activités culturelles et religieuses. Tout cela peut affaiblir notre capacité à contrôler la façon dont nous voulons travailler et préserver notre énergie essentielle, le Jing, premier trésor des taoïstes. Les animaux semblent savoir mieux se protéger à cet égard. Contrairement à ce que certaines religions proclament haut et fort, il est parfois difficile de dire qui est plus avancé du point de vue du comportement, les humains ou les animaux. Par exemple, la cupidité a toujours été un gros problème pour les êtres humains depuis l’aube de l’humanité. Désirs insatiables et cupidité peuvent se dilater à l’infini. Les animaux ne prennent généralement pas plus que ce dont ils ont besoin pour leur survie. Lorsqu’ils vivent dans leur milieu naturel, ils ne causent pas de dommages à l’environnement.

Hua To et ses cinq animaux

L’une des grandes figures de l’application de la voie du Tao aux sciences médicales et au Qigong fut le patriarche Hua To. Celui-ci naquit en l’an 110 de notre ère, dans le comté de Hao (Province de l’Anhui). Il développa l’art médical à la perfection et laissa un traité de phytothérapie et d’acupuncture basé sur les cinq phases (Zhang Zhang Jing).

On trouve sa statuette dans nombre de temples taoïstes, et l’on considère qu’il reçut la majeure partie de son enseignement médical en retrait par révélation. Quantité de ses formules font référence aux sages et immortels du passé.

Pour la première fois, Hua to introduit la notion de huit paramètres dialectiques qui deviendrons, sous une forme modifiée, la base de la médecine chinoise actuelle. Ces huit paramètres sont déterminés par la science de la pulsologie et l’observation :

  • • le vide et le plein ;
  • • le froid et le chaud ;
  • • la vie et la mort ;
  • • le propice et le défavorable.

Les huit paramètres actuels de la médecine chinoise sont le vide et le plein, le chaud et le froid, le yin et le yang, l’interne et l’externe.

Le traité de médecine des cinq éléments de Hua To propose dans sa partie thérapeutique des formules médicinales typiquement taoïstes. Celles-ci comprennent des ingrédients alchimiques comme le cinabre, et leurs actions thérapeutiques se réfèrent au travail des souffles.

Un exemple de l’une des formules de Hua To que les taoïstes ont continué d’inclure dans leur pharmacopée pendant des siècles est « la pilule de Hua To au Ginseng ». Celle-ci combat la fatigue, la nervosité et la perte de Jing (l’essence vitale). Il s’agit donc d’un exemple typique d’une formule utilisée sur une longue période, dans le but d’améliorer sa constitution et de ralentir l’outrage des ans. Cette préparation donne le rôle de plante “empereur” au Ginseng, que les taoïstes considéraient comme un simple contenant l’essence des cinq éléments, et pourvue aussi d’un pouvoir catalytique spirituel propre à stimuler l’évolution sur la voie du Tao.

Il légua aussi un système complet de travail sur l’énergie par le mouvement, basé sur l’imitation des qualités spirituelles de cinq animaux : la grue, l’ours, le singe, le cerf et le tigre. Ce système de Qigong, très puissant, est encore utilisé de nos jours dans nombre d’hôpitaux de médecine chinoise pour traiter des maladies chroniques difficiles. Cette série d’exercices basée sur les cinq animaux est mentionnée dans la compilation de référence taoïste (le Dao Tsang), comme l’une des pratiques fondamentales du système taoïste de santé.

Dans l’histoire de la Chine, la première mention d’un système de mouvements thérapeutiques date des temps préhistoriques, sous le règne de l’empereur Yu le Grand. Celui-ci ordonna à son peuple la pratique d’exercices destinés à renforcer leur vitalité et à unir «le ciel et la terre »

Plus tard, sous la dynastie des Han, au llème siècle après J.-C, Hua To observa la souplesse naturelle et les réactions spontanées des animaux sauvages. Il se dit en lui-même que ces bêtes connaissaient l’art de la décontraction dans le mouvement, art qui manquait justement aux fonctionnaires de la cour de l’empereur, stressés par l’étiquette et les soucis.

Alors, il examina avec attention les animaux les plus agiles et les plus habiles; c’est ainsi qu’il développa une série de mouvements copiés sur cinq animaux: le tigre, l’ours, le cerf, le singe et l’oiseau. Ces évolutions étaient destinées à déclencher une transpiration salutaire, et à augmenter la souplesse des articulations, indispensable au bon écoulement de l’énergie vitale (le Qi) dans les canaux d’énergie (Les Jing Luo). Chaque animal fut ainsi relié à l’un des cinq organes de la médecine chinoise. Par exemple le jeu du singe sert à nous rappeler que le fluide ne peut circuler qu’avec la joie de se mouvoir librement en oubliant les mouvements conventionnels souvent réducteurs.

Hua To avait noté que chaque animal peut nous faire exercer une partie de notre psyché, ce que les anciens nommaient le Jingshen, conglomérat psychosomatique d’énergie émotionnelle et physiologique. Ainsi l’imitation du cerf peut nous libérer de notre colère et l’exercice du dragon réveille en nous des forces mentales et physique insoupçonnées. Ainsi la zookynésie peut nous raccorder à notre être originel et nous faire découvrir de nombreux aspects méconnus de notre être. Tellement de gens sont stupéfaits de constater qu’ils sont, dans certaines circonstances le jouet de leurs passions et de leurs émotions incontrôlables. Le trop célèbre « je l’ai tuée parce que je l’aimais » n’est pas réservé aux sociétés primitives et montre souvent son triste visage dans la société actuelle.

Cette citation ironique est allouée à Hua To :

Si les dents tombent c’est parce qu’elles ne sont pas toujours en mouvement comme la langue..

Elle montre l’intérêt des taoïstes pour le mouvement des énergies, apte a contrecarre la stagnation, source de maladie et d’involution.

Extrait du Traité de Qigong – Editions Dangles Collection : Référence

Gérard Edde

Institut Dragon Céleste – Ecole de Formation FEQGAE

http://www.dragonceleste.fr

Publié par institutdragonceleste

Auteur, Formateur en Qigong, Tao, Médecine Traditionnelle Chinoise, Daoyin, Neidan, Ayurveda,

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