Alchimiste, méditant, philosophe et guerrier

Tombe actuelle de Gehong dans les monts du Guangdong – Photo de l’auteur (2017)
La dynastie Song de Chine (960-1279 de notre ère) a produit certains des progrès les plus importants de la science et de l’alchimie chinoises. Au cours de cette période, les alchimistes taoïstes se sont concentrés sur deux principaux domaines de recherche – le développement et l’utilisation d’élixirs pour la médecine et la poursuite de l’immortalité par la production de la médecine universelle. Pendant cette période, les alchimistes taoïstes ont travaillé à la création d’une variété d’élixirs et de médicaments, chacun ayant sa propre composition unique, à base d’ingrédients minéraux censés conférer des avantages médicaux. L’un des élixirs les plus populaires était le* Jian Dan*, ou *Elixir de la Longue Vie*, qui était composé d’une variété de minéraux, y compris l’or, le cinabre et d’autres substances éventuellement toxiques. L’élixir a souvent été utilisé comme tonique pour aider à promouvoir la longévité et la santé. La poursuite d’une médecine universelle, ou panacée, a également été un objectif majeur des alchimistes du Weidan (alchimie *externe*) pendant cette période. On croyait qu’un médicament universel pouvait donner à son utilisateur la capacité de prévenir le vieillissement et finalement d’atteindre l’immortalité.
Les alchimistes taoïstes ont travaillé à développer une recette alchimique pour cette soi-disant panacée grâce à l’utilisation de divers minéraux, plantes et autres matériaux. Bien que personne n’ait réussi à développer l’élixir ultime, ces efforts ont introduit de nouvelles méthodes de transformation et de combinaison des matériaux afin de créer des concoctions médicinales dont certaines sont le fondement de la future pharmacopée chinoise. Les réalisations des alchimistes chinois de la dynastie Song ont été importantes, car c’est grâce à leur exploration que bon nombre des principes qui sous-tendent la phytothérapie moderne ont été codifiés. L’herboristerie chinoise et la médecine chinoise continuent d’être très influentes dans la Chine moderne.
L’alchimiste Gehong (284-364 de notre ère) est une figure importante de l’alchimie et du taoïsme chinois, réputé pour ses écrits sur les méthodes de fabrication d’élixirs d’immortalité et d’autres formules alchimiques. Il est généralement décrit comme le « père de l’alchimie » en Chine, en partie parce que ses écrits sont devenus la base de la pratique alchimique chinoise dans les siècles qui ont suivi sa mort.
Gehong est né dans le nord de la Chine et a servi en tant que fonctionnaire sous la dynastie Jin, mais a finalement détourné son attention des postes officiels vers le taoïsme et l’alchimie. Il est devenu le premier à faire une distinction formelle entre l’alchimie, qui cherche à découvrir l’élixir de la vie, et la pharmacopée traditionnelle, qui est l’étude des médecines à base de végétaux.
Gehong était également un adepte renommé de la spiritualité taoïste. Il a beaucoup écrit sur la nécessité de poursuivre la paix intérieure et la compréhension par la méditation, le végétarisme et l’exercice physique. Il a été l’un des premiers à décrire une pratique spirituelle rigoureuse pour les taoïstes qui est encore suivie aujourd’hui.
Il est l’auteur du célèbre *Bao Pu Zi Nei Pian* 抱朴⼦子内篇 constitué de vingt chapitres décrivant la destinée humaine (Ming) et la relation entre l’être humain et les forces de l’univers.
Le Qi y est considéré comme la force fondatrice et essentielle du vivant.
L’esprit et la forme (Xingshen) sont intimement liés, tant au cœur la physiologie qu’au fort de la voie spirituelle, et sa dégradation conduit à la mort.
L’être humain peut imiter les changements de la nature et améliorer ainsi sa condition.
« La matière provient de l’immatériel » : montrant son opposition au matérialisme.
Il décrit le mouvement du Qi comme une spirale évolutive.
Gehong considère que si l’énergie originelle (Yuan Qi) est forte et bien entretenue, la maladie ne peut s’installer.
En plus d’une soixantaine d’autres publications dont la plupart ont aujourd’hui disparues. On considère qu’il identifia les maladies suivantes : hépatite, jaunisse, variole et la tuberculose.
Il combattit les médecins qui utilisaient uniquement les charmes magiques.
Gehong ,dans sa vision taoïste de la médecine énergétique prend en considération des facteurs suivants :
- Influences extérieures (*Feng Shui *, cycles énergétiques etc…) classifiées comme « influences célestes.
- Empreinte de la « destinée» (Ming).
- Existence de forces subtiles non visible aux humains.
- Conséquences des actes (De ou « vertu »).
- Influences spirituelles.
Le travail de guérison en profondeur s’effectue selon lui sur deux plans :
- Xing ⾏ le comportement vis-à-vis des autres humains
- Gong 功 La culture de la réalisation spirituelle
« Tous ceux qui désirent étudier le grand Tao doivent commencer par étudier la médecine et l’énergétique traditionnelle »
Gehong rédigea une soixantaine de traités sur divers sujets (astronomie, astrologie, phytothérapie, alchimie…) dont la plupart ont aujourd’hui disparu. Par exemple il exposa les propriétés thérapeutiques de certains aliments ordinaires tel le radis pour l’asthme et la toux.
Il décrivait les mouvements d’entretien énergétique employant le mot : Daoyin. Ce mot ancien contient l’essence de la pratique, mais il n’est pas simple à comprendre et à traduire.
Selon l’explication des taoïstes contemporains du Longmen, la première partie de l’idéogramme, le caractère Dao représente le chemin, ou plus précisément la voie de la découverte de soi et de l’éveil. La caractère Dao contient le radical Mu qui représente les yeux et phonétiquement associé au fait de voir les choses différemment. De regarder les circonstances de la vie dans lesquelles on se trouve face à notre destin. Gehong considère ainsi l’exercice énergétique comme une initiation pour retrouver le chemin vers sa propre nature. Ainsi, dès l’Antiquité, les Chinois taoïstes développèrent un ensemble de méthodes et de pratiques permettant de « nourrir la vie » (Yangsheng) et d’éviter la maladie. Tous vantent la pratique des Daoyin et sont considérés comme de grands pratiquants des arts énergétiques. Les taoïstes étudient des méthodes, souvent secrètement, pour prolonger la vie et gagner l’illumination spirituelle .
Dans son Baopuzi Gehong écrit :
« Bien que prendre des médications puisse aider à vivre longtemps, un effet plus rapide peut être obtenu par les exercices de respirations énergétiques (Tiao Xi). La quintessence de ces exercices permet de vivre cent ans. Il n’est rien dans cet univers qui ne doive la vie au Qi, c’est pourquoi l’on doit pratiquer le renforcement intérieur par les exercices énergétiques de manière à dominer les forces extérieures. »
Gehong abandonna progressivement l’alchimie opérative (on disait qu’il savait transformer les métaux grossiers en or) pour pratiquer l’alchimie interne (Neidan) et la méditation dans plusieurs ermitages isolés. Sa tombe, dans le sud de la Chine est toujours visitée avec un grand respect.
« Depuis la nuit des temps il n’existe qu’une seule voie. Il est étonnant de constater qu’elle s’exprime par les différentes écoles spirituelles en une myriade d’opinions et de concepts »
Son influence peut encore être vue dans les textes alchimiques chinois modernes. En l’honneur de ses contributions à l’alchimie chinoise et au taoïsme, Gehong est souvent appelé le « Professeur Divin ». Il est célébré comme un héros national en Chine, où il y a des statues et des monuments qui lui sont dédiés dans les villes du pays.
Ce petit article n’est que le fruit de quelques enseignements oraux récoltés pat l’auteur, ici et là : à Hong-Kong, Canton, Singapour et Taïwan, dispensés par des lettrés et pratiquants laïques de la voie taoïste.
Gérard Edde – Traité de Qigong – Editions Dangles – Collection Référence
http://www.dragonceleste.fr
Références bibliographiques
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Boltz, Judith M. (1987). A Survey of Taoist Literature: Tenth to Seventeenth Centuries, China Research Monograph 32. Berkeley: University of California Press.
Kohn, Livia, ed. (2004). Daoism Handbook, 2 vols. Boston: Brill.
Robinet, Isabelle. (1997). Taoism: Growth of a Religion. Stanford: Stanford University Press.
Miller, James (2003). Daoism: A Short Introduction. Oxford: Oxford University Press.
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